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 21 grammes

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AuteurMessage
Arnaldo et Rose-Mary

Arnaldo et Rose-Mary


Nombre de messages : 5
Date d'inscription : 11/02/2007

21 grammes Empty
MessageSujet: 21 grammes   21 grammes EmptyLun 5 Mar - 15:47

C’est donc, à ce qu’il paraît, le poids de ce "quelque chose" que nous perdons tous, sans aucune distinction, au moment de passer de vie à trépas.

21 grammes - en attendant le moment de vérifier par moi-même que c’est bien ce que pèse mon âme - c’est aussi un film.

Je ne vous cacherais pas que cette histoire m’a profondément bouleversé et je vais vous dire pourquoi. Tout simplement parce que, pendant deux heures et demie, j’ai eu sous les yeux ce qui est le fondement même de la fragilité et de l’irraisonnable destin qui est le lot de tout ce qui, dans le monde, vit et s’agite, va et vient, se trompe de route, croit et espère, doute et craint.

Et tout cela sous le masque d’une banalité foncière à laquelle nous croyons échapper en nous illusionnant sur la réalité de ce qui constitue le hasard auquel nous sommes soumis à chaque minute, à chaque seconde de notre présence à la vie et de la présence, autour de nous, de celles et de ceux avec lesquels, bon an, mal an nous partageons ce minuscule morceau de temps, qui passe, qui passe toujours, sans jamais de répit.

Et puis, parfois, ce hasard nous met en présence de l’irréversible et fatale absence: celle de l’autre; du mari, de l’épouse et, pire encore, de l’enfant.

C’est elle, aussi, qui sépare les amants, les amis, les frères et les soeurs et qui les sépare à jamais.

Car d’un amour qui s’éteint, d’une amante qui déserte le navire des embrassades et des rires, de la complicité et de la confiance, celui qui reste seul sur le pont peut toujours espérer et attendre un hypothétique retour: une barque venant du lointain horizon et une silhouette qui agiterait un foulard et ferait des signes.

Mais la mort, de celui-ci, de celle-là, de ces autres, la mort est la grande séparatrice, elle creuse un trou dans le vivant, un trou qui sera comblé, ou ne le sera pas; car il y a des attentes qui peuvent aller jusqu’au terme ultime, il y a des espoirs qui jamais n’abdiquent.

Cela s’est vu et se verra encore. Et puis, il y a, aussi, quand la séparation est irrémédiablement consommée devant le trou creusé dans le sol ou devant le bûcher anonyme des rituels aseptisés, il y a la clarté d’une évidence aveuglante et irréfutable: ce corps figé et qui va retourner à la terre, ces cendres que le vent d’hiver ou la chaude brise de l’été dispersent n’étaient qu’une enveloppe; la rondeur de ce sein, le sourire qui éclairait ce visage, la voix du père qui s’est tue, tout cela était l’abri d’autre chose.

Un indéfinissable murmure venu des profondeurs du vivant, une substance à la limite de la matière ou une matière d’une subtilité telle qu’elle est peut-être parente des nuages ou d’un fluide insaisissable et pourtant universellement présent et qui habite toutes les créatures, de la fourmi à l’homme en passant par les oiseaux, les dauphins ou les chats. Une étincelle, un feu ou des cendres tièdes, un don et une offrande que l’on lit dans certain regard, quand l’amour dévore le temps et comble le coeur et la chair d’une félicité que l’on sait unique et irremplaçable.
Ce presque rien, est peut-être l’ultime question que nous pose le vivant et à laquelle les laboratoires n’apportent que des explications alors que ce que nous attendons, ce sont des preuves. Mais nous attendons et nous attendrons encore et toujours et nos descendants attendront aussi.

Car le mystère est trop vaste pour notre entendement et il a sa source bien au-delà de l’apparition de la matière animée qui nous constitue. Et c’est bien ce mystère et cette magie qui font s’agiter dans nos veines et nos artères les globules rouges et blancs, c’est lui qui a ouvert, il y a de cela des millions d’années, nos prunelles sur le monde; c’est lui qui fait pousser les enfants dans le ventre des mères, c’est lui qui nous donne le souffle et c’est lui qui nous le retire, indéfiniment.

Ce mystère pèse en nous, à ce que l’on dit, 21 grammes...

Texte de Jean-Pierre Collignon, lu en avril 2006 dans l’émission ‘Première séance’.
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